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Cession d’un droit de surélévation : quelle plus-value à payer ?

La plus-value dégagée à l’occasion de la cession d’un droit de surélévation, dans le cadre d’un immeuble en copropriété ou d’une maison individuelle, bénéficie d’un régime fiscal spécifique d’exonération.

Cette opération appelle en pratique une attention particulière tant au regard des modalités de calcul de la plus-value que du bénéfice du régime d’exonération prévu par la législation fiscale.

Les modalités de calcul de la plus-value

Ces modalités de calcul supposent de déterminer, outre le redevable de l’impôt, les prix d’acquisition et de cession retenus pour les besoins du calcul de l’impôt sur la plus-value.

Le redevable

En pratique, deux cas de figure peuvent se présenter :

  • Cas d’un droit de surélévation portant sur un immeuble en copropriété : s’agissant d’un droit accessoire aux parties communes (article 3 de la loi du 10 juillet 1965), les redevables légaux de l’imposition correspondante sont, compte tenu de la transparence fiscale de la copropriété, les copropriétaires pris individuellement à hauteur de leurs droits dans les parties communes.
  • Cas d’un droit de surélévation portant sur un bien privatif tel une maison individuelle : le redevable est le propriétaire du bien.

Le prix de cession

La détermination du prix de cession ne pose pas de difficulté. Il s’agit du prix stipulé à l’acte, tel que convenu entre les parties. Seule une insuffisance de prix caractérisée pourrait être remise en cause par l’administration.

Lorsque le droit porte sur un immeuble en copropriété, l’article 16-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit pour mention que le prix de cession se divise de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot.

Prix d’acquisition

La question opérationnelle la plus complexe est la suivante : Comment déterminer, pour chaque propriétaire ou copropriétaire, le prix d’acquisition du droit de surélévation cédé ?

L’exercice est périlleux en l’absence de toute préconisation de la part de l’administration fiscale. Si retenir une valeur nulle ne semble pas réaliste, une ventilation du prix d’acquisition du lot initial semble s’imposer afin d’extraire une valeur résiduelle du droit cédé.

Dans une copropriété, cette évaluation sera nécessairement différente pour chaque copropriétaire selon le prix de son lot, les tantièmes de copropriété correspondants ou encore la date d’acquisition. En tout état de cause, la valorisation retenue doit être cohérente et pouvoir être justifiée en cas de contrôle.

Les modalités d’exonération de l’impôt sur la plus-value

Les différents redevables peuvent cependant bénéficier d’un régime d’exonération sous réserve du respect de certaines conditions.

Une exonération réservée aux cédants ne relevant pas de l’IS

Cette exonération, prévue par l’article 150 U, II-9° du CGI, ne peut bénéficier qu’aux cédants personnes physiques ou sociétés relevant des articles 8 à 8 ter du CGI non-passibles de l’impôt sur les sociétés.

Le local à construire doit être destiné exclusivement à l’habitation

Le texte prévoit que le cessionnaire doive s’engager à « réaliser et à achever exclusivement des locaux destinés à l’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition ».

La réalisation d’un local d’habitation par surélévation d’un immeuble s’entend de la création d’un logement neuf au sens des dispositions des articles R. 111-1 à R. 192-4 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Les nouveaux locaux peuvent ainsi indifféremment constituer :

  • soit une unité d’habitation distincte des locaux existants ;
  • soit l’agrandissement par adjonction de pièces supplémentaires à un logement existant.

Il résulte de ces dispositions que l’exonération ne peut trouver à s’appliquer lorsque les locaux réalisés sont des locaux à usage mixte ou autre que l’habitation.

Quelques précisions

Droit de surélévation : définition

Le droit de surélévation est un droit réel d’édifier une construction prolongeant verticalement les façades d’un immeuble préexistant tout en rehaussant le faîtage du toit.

Dispositif temporaire

Instauré en 2011, ce régime devait initialement s’appliquer aux cessions réalisées entre le 1er janvier 2012 et 31 décembre 2014. Il a ensuite été prorogé jusqu’au 31 décembre 2024. Une nouvelle prorogation est attendue.

Droit de surélévation et copropriété

S’agissant des immeubles détenus en copropriété, le droit de surélévation constitue en principe un droit accessoire aux parties communes, et appartient à chacun des copropriétaires à concurrence de leur quote-part dans les parties communes.

Dès lors, la décision de surélever le bâtiment et la cession du droit correspondant doit faire l’objet d’une approbation en assemblée générale de copropriété.

La sanction en cas de non-respect des engagements du cessionnaire

En cas de manquement à ses engagements, outre la remise en cause de l’exonération obtenue, le cessionnaire est redevable d’une amende d’un montant égal à 25 % de la valeur de cession du droit de surélévation.

Exonération permanente en cas de prix de cession inférieur à 15 000 €

Dans l’hypothèse où l’exonération étudiée ne s’appliquerait pas,  une exonération de la plus-value pourrait malgré tout s’envisager sous le bénéfice de l’article 150 U II 6° du CGI, lequel prévoit une exonération distincte lorsque le prix de cession est inférieur ou égal à 15 000 €. Dans le cadre d’une copropriété, ce montant s’apprécie au regard de la quote-part de chaque copropriétaire et non la valeur totale du droit cédé.

Instauration d’une taxation minimale de 20 % : quel impact sur les investissements visant à protéger le patrimoine immobilier historique (Malraux et Monuments Historiques) ?

Le projet de loi de finances pour 2025 comporte un nouveau dispositif fiscal destiné à assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus : la Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR).

Bien que ses modalités d’application préservent partiellement les investissements visant à sauvegarder et rénover le patrimoine immobilier historique, cette nouvelle contribution les limitera inévitablement.

Ce bulletin traite du dispositif tel qu’il est contenu dans le projet de loi de finances pour 2025 présenté par le Gouvernement. En l’état, celui-ci est prévu pour s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2026 mais pourrait être pérennisé à la faveur de la navette parlementaire.

Les contribuables concernés

Schématiquement, la CDHR a vocation à s’appliquer aux contribuables concernés par la CEHR, c’est-à-dire ceux dont le revenu fiscal de référence (RFR)  excède :

  • 250 000 € pour une personne célibataire ;
  • 500 000 € pour un couple pacsé ou marié.

Le RFR est constitué des revenus  :

  • Soumis au barème de l’impôt sur le revenu (toutes catégories) ;
  • Soumis à prélèvement forfaitaire, libératoire ou non (plus-values et revenus de capitaux mobiliers éligibles flat-tax, plus-values immobilières, etc.).

N.B. : Le RFR de la CDHR ferait l’objet de certains retraitements.

Taux d’imposition minimal de 20 %

La CDHR a vocation à établir, pour les contribuables concernés, une imposition globale minimale de 20 % de l’ensemble des revenus perçus au cours de l’année.

Concrètement la CDHR rehausse automatiquement à 20 % du RFR la totalité de l’impôt effectivement payé sur l’année (IR, CEHR, prélèvements) après application des réductions et crédits d’impôts.

Les contribuables dont une part substantielle des revenus est imposée au PFU (taux forfaitaire de 12,8  %) seront particulièrement impactés.

N.B. : Le texte prévoit un mécanisme de décote afin d’atténuer l’effet de seuil de la mesure.

Un impact dès 2024 pour les « déficits fonciers » et les « Monuments Historiques »

L’impact fiscal d’un investissement « déficit foncier » ou « monument historique » peut se trouver affaibli, inchangé ou amélioré par la réforme.

Les conséquences concrètes pour chaque contribuable sont susceptibles de varier en fonction de sa situation avant et après la prise en compte des conséquences fiscales de l’investissement (la CDHR répond à un calcul complexe lié à la composition du revenu du foyer).

Un impact à partir de 2025 pour les « Malraux » et les « Denormandie »

Les modalités de calcul de la CDHR au titre de la seule année 2024 prévoient que le montant de cette contribution serait calculé en retenant l’impôt dû avant imputation de certaines réductions d’impôt, dont notamment celles dites « Malraux » et « Denormandie » : celles-ci conserveraient donc leur plein effet au titre de cette année.

En revanche, à partir de 2025, le montant de la CDHR due sera calculé en retenant l’impôt réellement payé après application de ces mêmes réductions d’impôt : cette nouvelle contribution pourrait donc, en raison du niveau de revenu des contribuables concernés, priver ces dispositifs de tout ou partie de leurs effets alors même que leurs conditions d’application seraient respectées.

Conseil pratique pour les Malraux

Pour le Malraux, le texte précise que toutes les dépenses payées avant le 31 décembre 2024 ne seront pas concernées.

Il pourrait donc être opportun de ne pas retarder à 2025 le versement des dépenses éligibles.


Néanmoins, en l’état, le texte ne précise pas le sort du report de réduction d’impôt excédentaire éventuel à partir de 2025.

Étudier sa situation fiscale pour éviter de voir les effets fiscaux de l’investissement neutralisés à partir de 2025

Les contribuables concernés par la réforme devront donc faire étudier leur situation d’ensemble (et projetée) avant d’engager une dépense qui répondrait pourtant à un régime d’incitation fiscale souhaité par le législateur.

Pour toute précision et pour le calcul de l’impact de ce nouvel impôt :

cdhr@riviereavocats.com

Dans quelles conditions un contentieux fiscal peut-il basculer vers le pénal ?


En matière de fraude fiscale, la mise en mouvement de l’action publique a longtemps été subordonnée au dépôt d’une plainte préalable de l’administration fiscale, sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales, saisie par le ministre chargé du Budget. On parle du « verrou de Bercy ».

Parce qu’il constituait une exception au monopole dont dispose en principe le parquet dans l’exercice des poursuites pénales, il a fait l’objet de nombreuses critiques. La loi fraude du 23 octobre 2018 a desserré le verrou pour les dossiers les plus graves, qui font désormais l’objet d’une dénonciation automatique au parquet.

Cette transmission automatique est-elle inévitable ? 

I. Les applications de la dénonciation automatique

Application matérielle

La loi fraude a mis en place un système de poursuites dit alternatif (article L. 228 du LPF) :

  1. Obligation de dénonciation au parquet des dossiers :
    • dont les droits sont supérieurs à 100 000 € (ou 50 000 € si le contribuable est soumis à la HATVP),
    • et ayant fait l’objet d’une majoration de 100 %, 80 % ou 40 % (cf. zoom ci-dessous).
  2. Maintien de l’ancien système de transmission (verrou de Bercy) pour les dossiers ne répondant pas à ces critères de gravité. Une plainte ne peut alors être déposée que sur avis conforme de la CIF.

Application temporelle

La transmission au parquet se fait au stade de l’avis de mise en recouvrement. À défaut d’abandon des pénalités précitées avant la mise en recouvrement, la transmission au parquet sera automatique.

II. Les exclusions de la dénonciation automatique

Le dépôt d’une déclaration rectificative spontanée acceptée par l’Administration

L‘article L. 228 du LPF prévoit que la dénonciation automatique n‘est pas applicable aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative.

Dans un arrêt du 23 mai 2024 (n°23-80.025), la chambre criminelle a estimé que cette exception devait être appréciée strictement :

  • Une déclaration rectificative spontanée rejetée par l’administration ne permet pas d’échapper à la dénonciation automatique ;
  • Il n’appartient pas au juge pénal d’apprécier la validité de ce rejet, qui relève du seul contrôle du juge de l’impôt.

Transaction ou règlement d’ensemble : quel impact ?

L’article L. 247 du LPF applicable avant 2018 interdisait à l’administration fiscale de transiger lorsqu’elle envisageait de mettre en mouvement l’action publique. La loi fraude a supprimé cette interdiction.

Transaction et dénonciation automatiqueRèglement d’ensemble et dénonciation automatique
Définition : La transaction fiscale vise à atténuer les pénalités encourues. En revanche, elle ne peut pas conduire à une réduction de l’impôt dû au principal.

Régime : L’article L. 228 du LPF énonce que lorsqu’une transaction est conclue avant la mise en recouvrement, l’application des majorations s’apprécie au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable. Si les pénalités après transaction ne correspondent plus aux critères de la dénonciation automatique, l’administration est tout de même tenue de dénoncer les faits en fonction des pénalités initialement envisagées.

Une transaction n’a donc aucune incidence sur la transmission automatique au parquet.
Définition : Le règlement d’ensemble est un accord sui generis qui couvre tant le montant des bases notifiées que les pénalités envisagées.

Régime : L’article L. 228 du LPF ne prévoit aucunement l’incidence de la conclusion d’un règlement d’ensemble sur la dénonciation automatique au parquet. Lorsque le règlement intervient avant la mise en recouvrement, il pourra conduire à l’évitement de la dénonciation automatique dès lors que les pénalités résultant du règlement n’entrent pas dans les conditions de l’article L. 228 I du LPF, peu important à cet égard les pénalités initialement envisagées.

Un règlement d’ensemble peut donc avoir une incidence sur la transmission automatique au parquet.  

Zoom sur les majorations :

Les majorations évoquées à l’article L. 228 du LPF entraînant une dénonciation automatique recouvrent :

  • Soit la majoration de 100 % de l’article 1732 du CGI pour :
    • Obstacle au contrôle de l’impôt,
    • Opposition à fonction.
  • Soit la majoration de 80 % pour :
    • activité occulte,
    • abus de droit,
    • manœuvres frauduleuses,
    • manquement aux obligations de déclaration des comptes, contrats assurance-vie et trust à l’étranger,
    • libre disposition par un contribuable de biens ou sommes d’argent en lien avec certaines infractions pénales.
  • Soit la majoration de 40 % lorsque dans les 6 ans précédant son application, le contribuable a déjà fait l’objet des majorations précédentes pour :
    • les cas où la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure,
    • manquement délibéré,
    • abus de droit.

Abréviations :

  • CGI : Code général des impôts
  • CIF : Commission des infractions fiscales
  • HATVP : Haute autorité pour la transparence de la vie publique
  • LPF : Livre des procédures fiscales

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior

Lucas Thieurmel | Avocat

Manon de Saint-Léger | Docteur en Droit – Élève-avocat

A vos marques, prêts, accélérez les délais de recours contre les ICPE et les IOTA… depuis le 1er septembre 2024

Le décret n° 2024-423 du 10 mai 2024, publié au JORF du 11 mai 2024, porte adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en matière d’élevage et aux autorisations environnementales. Comme son intitulé le suggère, il modifie les mesures procédurales relatives aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux ICPE en matière d’élevage (I). Toutefois, il modifie aussi les dispositions du code de l’environnement relatives aux délais de recours contentieux de l’ensemble des ICPE et des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA), sans restriction aux ouvrages hydrauliques et ICPE en matière d’élevage (II).

I. Une modification de la procédure contentieuse en matière d’ICPE d’élevage et d’ouvrages hydrauliques agricoles

Rationalisation des modalités procédurales

Le nouvel article R. 77-15-1 du CJA, institue une obligation de notification à l’auteur et au bénéficiaire de la décision par les tiers introduisant : 

  • un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité ; 
  • un recours administratif, à peine de non-prorogation du délai de recours contentieux ;
  • un recours tendant à annuler ou réformer une décision juridictionnelle concernant un litige relatif aux ICPE d’élevage et aux ouvrages hydrauliques agricoles (art. R. 811-1-3 et 
    R. 811-1-4).  

Le décret instaure également la cristallisation automatique des moyens pour les litiges relatifs aux ICPE d’élevage et aux ouvrages hydrauliques, s’alignant ainsi avec le contentieux des permis de construire (art. R. 600-5 du code de l’urbanisme) et des autorisations environnementales en matière d’éolien (art. R. 611-7-2 du CJA). 

II. La réduction du délai de traitement des recours de toutes les ICPE et IOTA

Le décret réduit également le délai de recours des tiers de 4 à 2 mois s’agissant des installations soumises à autorisations environnementales
(art. R. 181-50 du code de l’environnement) ainsi que, plus généralement, pour toutes les ICPE et les IOTA (art. R. 514-3-1 du code de l’environnement).

Quelques précisions

Ce décret s’applique aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024.

Le recours gracieux proroge un nouveau délai de 2 mois (et non prolonge) pour tous les contentieux ICPE et IOTA visés par le décret.

Abréviations

CJA : code de justice administrative.

C. env. : code de l’environnement

ICPE : Installations classées pour la protection de l’environnement.

IOTA : installations, ouvrages, travaux et activités.

Terrain à bâtir et TVA sur marge : Attention à l’acte d’acquisition !

Les cessions d’immeubles, réalisées par un assujetti à la TVA agissant en tant que tel, sont soumises à la TVA de plein droit lorsqu’il s’agit de la cession d’immeubles neufs ou de terrains à bâtir (TAB). Si la TVA est en principe due sur le prix total, l’article 268 du CGI prévoit une possibilité d’option de taxation sur la marge pour la livraison de TAB.

Un débat s’est cristallisé sur l’application de la marge aux ventes de terrains provenant d’un ensemble immobilier acquis bâti (revente de parcelles détachées ou après démolition). Au cours d’une saga, les juridictions nationales et la CJUE ont affirmé et affiné la condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu. Dans un arrêt de principe rendu le 2 avril dernier, le Conseil d’État énonce les éléments d’appréciation concrètement retenus pour remplir la condition d’identité juridique. 

I. Des années d’incertitude jurisprudentielle sur la qualification de TAB

La condition d’identité juridique

En l’état actuel de la loi et de la doctrine (voir le point de vigilance), le régime est soumis à la double condition :

  • que l’acquisition du bien n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA en amont ;
  • qu’il existe une identité juridique entre le terrain acquis et le terrain revendu.

De fait, les cessions de TAB, ayant été acquis en tant qu’immeubles bâtis et devenus entre l’acquisition et la cession, terrains à bâtir (notamment par démolition ou par division) ne peuvent bénéficier de ce régime. 

Cette application a fait l’objet d’une consécration par la CJUE dans une décision de principe (CJUE Icade Promotion 30 sept. 2021, C-299/20) suivie par les juridictions nationales.  Seule restait la question de savoir dans quelles conditions le terrain d’assiette d’un immeuble bâti pouvait être considéré comme un TAB lors de son acquisition.

Les incertitudes quant à son appréciation

Une partie de la jurisprudence était favorable à la qualification de TAB pour les parcelles d’assiette (qui ne supportaient pas de construction), dès lors que : 

  • un document d’arpentage avait été établi après l’acquisition, alors même que l’acte ne visait qu’un terrain bâti (CAA Lyon 16 juin 2022 n°19LY00541) ;
  • seuls une autorisation de division, une déclaration de non-opposition de la mairie et un certificat d’urbanisme avaient été établis avant la cession des terrains (CAA Bordeaux 7 avril 2022 n°20BX00181).

À l’inverse, une autre partie de la jurisprudence estimait que la cession ne pouvait bénéficier de ce régime à défaut d’identification concrète des parcelles dans l’acte d’acquisition (en ce sens CE, 18 janvier 2024, n°475616). Le document d’arpentage ou l’autorisation étant jugés insuffisants.

II. Une clarification des critères d’appréciation de l’identité juridique

Une décision de principe

Par sa décision rendue le 2 avril dernier (CE, 2 avril 2024 n°466644), le Conseil d’État synthétise la position actuelle de la jurisprudence. Il énonce que le régime de la TVA sur marge ne s’applique pas :

« à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de division, ou d’une division effective, lors de l’acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l’acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. ».

La portée

Par cette décision les juges confirment qu’une division effective avant cession n’est pas suffisante en elle-même pour remplir le critère d’identité juridique du TAB.

Pour bénéficier du régime de la TVA sur marge, il est nécessaire que : 

  • la division parcellaire soit complète avant l’acquisition pour que les parcelles nouvelles soient identifiées ;
  • ces parcelles ne supportent pas de construction et soient constructibles au jour de l’acquisition ; 
  • l’acte d’acquisition identifie clairement les parcelles divisées et les qualifie de TAB.  Les critères objectifs de qualification d’un TAB ne suffisent pas, la désignation est déterminante.

Point de vigilance

L’existence d’une rémanence de TVA

Dans sa décision Icade Promotion, la CJUE conditionne le régime de la TVA sur marge à l’existence d’une rémanence de TVA, précisant qu’il ne s’appliquerait donc pas lorsque l’acquisition originelle n’a pas été soumise à TVA.

Concrètement, cette condition ne serait pas remplie en cas d’acquisition auprès d’un particulier par le marchand (sauf si ce particulier avait lui-même payé de la TVA en amont).

Cette décision va drastiquement limiter le champ d’application de la TVA sur marge.

Mais à ce jour, le BOFIP (BOI-TVA-IMM-10-20-10 §30) prévoit toujours que la TVA sur marge s’applique pour une acquisition auprès d’un non assujetti.

Si cette doctrine est toujours opposable (ce qui a été confirmé par la réponse ministérielle Grau), le régime actuel de TVA sur marge ne reste applicable que tant que Bercy ne publie pas de nouveaux commentaires.

Prorogation et extension du dispositif Denormandie  

Tandis que la loi de finances pour 2024 a reconduit le dispositif Denormandie jusqu’au 31 décembre 2026, l’article 42 de la loi 2024-322 du 9 avril 2024 relative à la rénovation de l’habitat dégradé l’a prorogé jusqu’au 31 décembre 2027. Le champ d’application du dispositif se voit étendu aux logements situés dans les copropriétés en difficulté et dégradées.

I. Rappel des critères d’éligibilité au dispositif Denormandie

Condition relative au bien

Le bien doit être situé sur le territoire d’une commune labellisée « Cœur de ville »  ou celui d’une commune signataire d’une convention d’opération de revitalisation du territoire (ORT).

Conditions relatives aux travaux

  • Les travaux doivent consister en des travaux de transformation ou de rénovation ; 
  • Le coût des travaux doit représenter au moins  25% du coût total de l’opération ;
  • Les travaux doivent être achevés au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l’acquisition ;
  • L’engagement de location doit être pris dans les 12 mois à compter de l’achèvement des travaux ;
  • Le bien doit être loué nu à usage d’habitation principale sous conditions de plafonds de loyers et de ressources du locataire ; Les travaux doivent permettre l’atteinte d’un certain niveau de performance énergétique.

Focus sur les critères de performance énergétique

La consommation d’énergie primaire du logement, après la réalisation des travaux, devra être inférieure à 331kWh/m²/an. Les travaux devront en outre :

  • Soit permettre la diminution de la consommation conventionnelle  en énergie primaire  à l’issue des travaux d’au moins 30% pour les logements individuels et 20% pour les logements collectifs ;
  • Soit respecter des exigences de performance énergétique pour au moins 2 des 5 catégories suivantes :
    • isolation de la toiture ;
    • isolation des murs donnant sur l’extérieur ;
    • isolation thermique  des parois vitrées donnant sur l’extérieur ;
    • système de chauffage ;
    • système de production d’eau chaude sanitaire.

II. L’extension du champ d’application du dispositif Denormandie

L’article 42 de la loi relative à la rénovation de l’habitat dégradé étend l’avantage fiscal aux logement situés dans les copropriétés :

  • En grave difficulté financière faisant l’objet d’une procédure judiciaire d’administration provisoire en application de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
  • Incluses dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) ou dans les opérations de requalification de copropriétés dégradées d’intérêt national régie par les articles L.741-1 et L.741-2 du Code de la construction et de l’habitation.

Les opérations de requalification des copropriétés dégradées s’inscrivent dans la lutte contre les logements indignes et la dégradation des immeubles en copropriété.

Ces opérations, instaurées par l’article L.741-1 du Code de la construction et de l’habitation, sont menées sur un périmètre défini par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre d’un projet urbain et social pour le territoire concerné ou d’une politique locale de l’habitat.

Cet élargissement permet désormais à des villes telles que Grenoble, Nîmes ou Marseille, sur un certain périmètre, d’ouvrir droit au bénéfice de la réduction d’impôt Denormandie.

Quelques précisions

Montant de la réduction d’ impôt

La réduction d’impôt est calculée sur le prix de revient du logement, qui s’entend du prix d’acquisition du logement majoré des frais afférents à l’acquisition (honoraires de notaire, droits d’enregistrement, taxe de publicité foncière, commissions versées aux intermédiaires) ainsi que le montant des travaux.

Le prix de revient ainsi déterminé est soumis à un double plafond de 300 000 € et 5 500 € par m² par contribuable et par année d’imposition.

Taux de la réduction d’impôt

Optimisation au titre des déficits fonciers

Il est possible d’optimiser le dispositif Denormandie avec le  régime des déficits fonciers.

D’une part, le prix d’acquisition, les frais d’acquisition et les travaux de transformation bénéficieront de la réduction d’impôt.

D’autre part, les travaux de réparation et entretien dissociables des travaux retenus pour le bénéfice de la réduction d’impôt seront déductibles des revenus fonciers, et en cas d’excédent, déductibles du revenu global dans la limite annuelle de 10.700 €.

Denormandie et modalité de détention du bien

Lorsque le logement est détenu en indivision, chaque indivisaire bénéficie de la réduction d’impôt dans la limite de la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits dans l’indivision.

Lorsque le logement est détenu par l’intermédiaire d’une SCI, le plafond précité de 300 000 € s’applique au niveau de la société. Chaque associé bénéficie de la réduction d’impôt à hauteur de ses droits dans les résultats sociaux.

À noter qu’il n’est pas possible de bénéficier de l’avantage fiscal Denormandie lorsque le bien ou les parts de la société détenant le bien font l’objet d’un démembrement de propriété.

Modalités de contrôle et de suivi de l’agrivoltaïsme : surveiller et produire

Le régime juridique des installations agrivoltaïques s’affine avec la publication, au Journal officiel du 8 avril 2024, du décret n° 2024-318 et celle, plus récente, de l’arrêté du 5 juillet 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers. D’utiles précisions sont apportées sur (I.) les modalités de suivi et de contrôle qui visent à s’assurer du caractère « agrivoltaïque » de l’installation pendant sa durée d’exploitation, ainsi que (II.) sur les opérations de démantèlement et de remise en état, qu’elles résultent d’un défaut d’exploitation de l’installation dans des conditions compatibles avec la législation applicable ou de la fin prévisible de l’exploitation.

I. Le contrôle et le suivi visent à s’assurer du caractère agrivoltaïque de l’exploitation

Le contrôle préalable à la mise en service

Les installations agrivoltaïques sont soumises à un contrôle préalable à leur mise en service (art. R. 314-120 du code de l’énergie).

Selon l’article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2024, le rapport de contrôle préalable présente :

la description du besoin et du projet agricole sur la base de l’état initial de l’exploitation agricole. Elle indique notamment l’implication de l’agriculteur dans le projet, le type de culture ou le type d’élevage concerné, l’occupation des sols avant le projet et la gestion des éventuels conflits d’usages générés par le projet.

la description du projet agrivoltaïque qui inclut notamment :

  • au moins un des quatre services apportés en réponse au besoin agricole ;
  • des justifications pour attester que l’installation ne porte pas d’atteinte substantielle à l’un de ces services ou une atteinte limitée à deux d’entre eux ;
  • la valeur du taux de couverture dans des conditions normales d’utilisation et le calcul associé pour déterminer cette valeur ;
  • la technologie de référence dans l’arrêté relatif aux technologies éprouvées (à venir) ;
  • les incidences de la structure photovoltaïque sur le projet agricole (installations sur cultures) ou sur l’activité d’élevage (installations sur élevage).

Le contrôle du suivi des critères de qualification d’une installation agrivoltaïque

Le décret de 8 avril 2024 détermine, en fonction des installations, la fréquence de ces contrôles qui ont lieu :

tous les cinq ans pour les installations utilisant une technologie éprouvée ;

tous les trois ans pour les autres installations dont le taux de couverture est inférieur à 40% ;

– et tous les ans pour les autres installations d’une puissance maximale de 10 MWc dont le taux de couverture est supérieur à 40% (art. R. 314-120 du code de l’énergie).

Selon l’article 4 de l’arrêté du 5 juillet 2024, les rapports de contrôle du suivi contiennent :

• les évolutions par rapport au rapport précédent ;

• les données transmises à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ;

une comparaison de la production agricole de l’installation agrivoltaïque à celle de la zone témoin, ou du référentiel en faisant office, et une vérification de cohérence avec des résultats agronomiques et séries de données historiques disponibles à l’échelon local ;

un bilan des revenus liés à la production agricole, calculés selon les modalités définies dans l’arrêté ;

une conclusion sur le caractère agrivoltaïque ou non de l’installation.

A noter que les écarts notables de production entre l’installation agrivoltaïque et celle de la zone témoin, ou du référentiel en faisant office, doivent être justifiés.

 II. La prescription et le contrôle des opérations de démantèlement et de remise en état

Le démantèlement imposé faute d’exploitation dans les conditions compatibles avec la législation

Lorsque, lors d’une visite d’une installation agrivoltaïque, les agents de l’Etat constatent que l’installation n’est (i) pas ou plus exploitée ou que (ii) les conditions de compatibilité avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ne sont plus réunies, le préfet :

• notifie à l’exploitant de l’installation les obligations de mise en conformité de l’installation ; et

• peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure d’y procéder dans un délai qu’il détermine et qui ne peut excéder six mois.

A défaut de mise en conformité dans le délai imparti, l’autorité compétente peut en prescrire le démantèlement, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations (art. R. 463-4 du code de l’urbanisme).

Les opérations de démantèlement et de remise en état consécutivement à la fin de l’exploitation

Les travaux de démantèlement et de remise en état du site font l’objet d’un rapport d’un organisme de contrôle visant à attester de leur bonne fin (au sens des dispositions y afférentes prévues à l’article R. 111-63 du code de l’urbanisme) et du maintien des qualités agronomiques des sols.

En cas d’absence de démantèlement ou de remise en état du site dans ces conditions, le préfet met en demeure l’exploitant d’y satisfaire dans un délai fixé.

S’il n’a pas été déféré à la mise en demeure, le préfet peut mettre en œuvre les garanties financières dont le montant est de :

• 1 000 euros par MWc pour les installations d’une puissance inférieure à 10 MWc ;

• 10 000 euros par MWc au-delà.

Le cas échéant, le préfet procède d’office aux travaux de démantèlement et de remise en état nécessaires.

Quelques précisions

Le rapport de contrôle préalable, de suivi et de fin d’exploitation est réalisé par un organisme de contrôle indépendant (organisme scientifique, institut technique agricole, chambre d’agriculture ou expert foncier et agricole), c’est-à-dire une personne ou un organisme qui n’est pas partie prenante au projet, à son instruction ou son exploitation.

À défaut de transmission du rapport préalable à la mise en service ou de suivi ou encore du respect des critères de qualification d’une installation agrivoltaïque, le préfet met l’exploitant en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai qu’il fixe. Faute de mise en conformité, le préfet peut prononcer une sanction pécuniaire, un retrait ou la suspension (1 an maximum) de l’autorisation d’exploiter.

Un guide d’application du cadre juridique de l’agrivoltaïsme est en cours de rédaction.

Ce guide devrait préciser :

• la notion de « parcelle agricole » au sens de l’article R. 314-108 et la notion de « limites physiques d’une implantation continue de panneaux PV » ;

• le calcul de la « superficie qui n’est plus exploitable » ;

• des exemples concrets et des méthodologies précises s’agissant du taux d’occupation des sols et du pourcentage des pertes de rendement ;

• les modalités d’instruction des projets :

  • conséquence de l’avis conforme, rappel de l’obligation de motiver les avis du CDPENAF conformément aux dispositions du code rural ;
  • quelle articulation avec les exigences supplémentaires issues des chartes et des lignes directrices ;
  • quelle articulation avec les contributions volontaires obligatoires.

IFI – Point sur les précisions apportées par l’administration fiscale

Comme nous le rappelions dans notre précédent bulletin sur l’IFI, dans un objectif d’égalité de traitement entre les biens détenus directement et indirectement, la loi de finances 2024 a modifié les règles de prise en compte des dettes contractées par une société. Pour l’évaluation de la valeur des titres imposables à l’IFI, seules sont désormais déductibles les dettes afférentes à un actif imposable.

Toutefois, cette nouvelle règle s’est accompagnée d’un encadrement par un double plafonnement de la valeur taxable à l’IFI des titres de sociétés, afin d’éviter un effet dommageable de la réforme pouvant aboutir à une imposition sur une valeur excédant celle des actifs imposables détenus.

Le BOFiP publié le 5 juin 2024 vient confirmer les interprétations faites par les praticiens du IV de l’article 973 du CGI mais laisse de nombreux sujets en suspens.

I. Sur les différentes articulations des plafonds

Les plafonds s’articulent entre eux…

Le BOFIP confirme le caractère cumulatif des plafonds, la valeur imposable à l’IFI des parts est égale à la plus faible des trois valeurs  entre :

  1. La valeur calculée en application de l’article 973 du CGI :[valeur vénale de l’ensemble de l’actif – (valeur vénale du seul passif afférent à des actifs imposables – dettes non déductibles en application des clauses anti-abus)] x coefficient immobilier
  2. La valeur vénale des parts :
    [valeur vénale de l’actif – (valeur vénale du passif total – dettes non déductibles en application des clauses anti-abus)] 
  3. La valeur des actifs imposables nette des dettes y afférentes :
    [valeur vénale des actifs imposables – (valeur vénale du passif afférent à des actifs imposables – dettes non déductibles en application des clauses anti-abus)].

… mais aussi avec les clauses anti-abus

Le BOI-PAT-IFI-20-30-30 n° 330 confirme que les plafonds s’appliquent « sans préjudice » des dispositifs anti-abus visant :

  • les dettes contractées par la société, directement ou indirectement, auprès du redevable, des personnes de son foyer fiscal ou du groupe familial pour l’acquisition d’un actif imposable et pour la réalisation de travaux sur celui-ci ;
  • les dettes à terme contractées, directement ou indirectement, par une société ou un organisme pour l’achat d’un actif imposable.

Ainsi, les plafonds susvisés doivent être retraités des dettes non déductibles en vertu de ces dispositifs anti-abus. En revanche, les dettes non visées (e.g. dettes entre associés ou CCA n’ayant pas servi à acquérir un immeuble ou réaliser des travaux) restent déductibles pour le calcul du premier plafond (valeur vénale des parts).

II. Sur l’application étendue des plafonds

Les plafonds s’appliquent en toutes circonstances…

Par mesure de tolérance favorable au contribuable, l’administration fiscale a confirmé qu’il convenait d’appliquer les plafonds « même en l’absence de dettes non afférentes à un actif imposable ».

… y compris en cas de chaine de participation

L’exemple cité au § 320 du  BOI-PAT-IFI-20-30-30  confirme que les plafonds doivent s’appliquer à chaque niveau d’interposition en cas de détention interposée, de sorte que la valorisation des parts de chacune des sociétés de la chaine de participation sera plafonnée.

III. Sur la définition du passif déductible

Le BOI renvoie à l’article 974, I du CGI qui inclut au titre du passif afférent à un actif imposable :

  • (i) les dépenses d’acquisition de biens ou droits immobiliers,
  • (ii) les dépenses de réparation et d’entretien,
  • (iii) les dépenses d’amélioration, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement,
  • (iv) les impositions, autres que celles incombant normalement à l’occupant, dues à raison desdites propriétés,
  • (v) les dépenses d’acquisition des parts ou actions.

La doctrine ne pouvant limiter la portée de la loi, il nous semble que cette liste n’épuise pas le sujet et qu’une dette qui serait afférente par exemple à une indemnité d’éviction devrait pouvoir être déduite.

Abréviations

CCA : compte-courant d’associé

CGI : Code général des impôts

IFI : Impôt sur la fortune immobilière

LF2024 : Loi de Finances pour 2024

La nouvelle procédure d’expropriation pour les immeubles indignes à titre remédiable : prévenir pour mieux guérir

La loi n° 2024-322, dite loi « Habitat dégradé », promulguée le 9 avril 2024 et publiée au JORF le 10 avril 2024, renforce les dispositifs juridiques visant à lutter contre les situations d’habitat indigne. Cette loi poursuit trois objectifs : prévenir la dégradation de l’habitat, accélérer la réhabilitation de l’habitat dégradé et lutter contre les marchands de sommeil.

En matière de maitrise foncière, elle crée une nouvelle procédure d’expropriation permettant d’intervenir en amont d’une détérioration irréversible qui rendrait la démolition de l’immeuble dégradé inévitable. L’analyse ci-après se focalise sur (I.) le champ d’application de cette procédure ainsi que sur (II.) ses modalités de mise en œuvre, largement inspirées de la procédure dite « loi Vivien* ».

Le champ d’application de la nouvelle procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique

La création d’un nouveau chapitre dérogatoire au régime général de l’expropriation

Pour rappel, avant l’adoption de la loi Habitat dégradé et par dérogation au régime général de l’expropriation, seuls pouvaient être expropriés les immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité « ayant prescrit la démolition ou l’interdiction définitive d’habiter »1 (procédure dite « Loi Vivien »).

La loi Habitat dégradé introduit une nouvelle procédure spéciale ad hoc d’expropriation des immeubles indignes à titre remédiable, autorisant les personnes habilitées à prendre possession des lieux de manière anticipée, afin de procéder à la rénovation du bâti au début de son cycle de dégradation.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel2 et sur le modèle de la procédure « loi Vivien », cette nouvelle procédure d’expropriation ad hoc est encadrée et limitée à un objet précis, selon les conditions et modalités définies au sein du nouveau chapitre II du Livre V du titre 1er du CECUP, intitulé « Expropriation des immeubles indignes à titre remédiable ».

Ce nouveau régime dérogatoire se traduit par une accélération de la phase administrative de la procédure d’expropriation.

L’utilité publique de l’expropriation est ainsi préétablie par la loi, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une enquête publique, et la puissance publique n’a pas à justifier de l’emploi ultérieur qu’elle fera des lieux.

Des conditions strictes d’application

Conformément à l’article L. 512-1 du CECUP, l’État, une société de construction dans laquelle l’État détient la majorité du capital, une collectivité territoriale, ou un concessionnaire d’une opération d’aménagement peuvent engager une procédure d’expropriation des immeubles bâtis, ou parties d’immeubles bâtis, sous réserve de remplir les conditions cumulatives suivantes :

  1. L’immeuble visé a fait l’objet de deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité dans les 10 dernières années. Ces arrêtés prévoient des mesures visant à remédier à la situation, mesures qui n’ont pas été intégralement exécutées ou pour lesquelles il a fallu procéder à une exécution d’office4;
  2. Un rapport des services municipaux, intercommunaux ou de l’Etat compétents ou d’un expert désigné par l’autorité compétente atteste de la nécessité de la prise de mesures de remise en état de l’immeuble pour empêcher la poursuite de sa dégradation5;
  3. Dans le cas où l’immeuble visé est utilisé à des fins d’habitation, qu’il est occupé, et que la réalisation des travaux de remise en état ou la préservation de la santé et de la sécurité des occupants nécessite une interdiction temporaire de résidence6, un projet de plan de relogement est établi7, garantissant ainsi la protection des occupants.

Des modalités de mise en œuvre largement inspirées de la procédure « loi Vivien »

L’adoption d’un arrêté préfectoral 5 en 1

Par analogie avec la procédure « loi Vivien » et afin d’anticiper l’intervention des autorités compétentes pour la réalisation des travaux sur les biens concernés, le préfet est tenu, par un seul et unique arrêté8, de :

  • Déclarer l’utilité publique de l’expropriation, sans enquête préalable, légitimant ainsi la mise en œuvre de mesures d’expropriation ;
  • Désigner la collectivité publique ou l’organisme au profit duquel l’expropriation est poursuivie ;
  • Déclarer cessibles les immeubles, parties d’immeubles, installations et terrains concernés par la procédure et ;
  • Fixer le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires et aux titulaires de conventions d’occupation à usage autre que d’habitation ;
  • Fixer la date de prise de possession anticipée après le versement ou la consignation de l’indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d’au moins deux mois à la publication de la déclaration d’utilité publique.

Dans le mois qui suit la prise de possession, le préfet poursuit la procédure d’expropriation dans les conditions prévues de droit commun9.

L’évaluation de l’indemnité de dépossession via la méthode par comparaison

Tandis que dans le cadre de la procédure « loi Vivien », l’indemnité de dépossession est en principe calculée selon la méthode  dite de « récupération foncière »10, compte tenu de l’inévitable démolition de l’immeuble en cause, la nouvelle procédure prévoit que la valeur du bien pour lequel l’indignité est remédiable est estimée11 :

  • soit par référence à des mutations ou accords amiables portant sur des biens comparables situés dans le même secteur ;
  • soit, dans l’hypothèse où ces références seraient en nombre insuffisant, par référence à des mutations ou à des accords amiables sur des biens de meilleure qualité avec un abattement défini en fonction de la dépréciation résultant de la dégradation et de l’insalubrité du bien.

Étant précisé que dans le cas où l’arrêté aurait prescrit une interdiction temporaire d’habiter et que le propriétaire n’aurait pas procédé au relogement des occupants, l’indemnité est réduite du montant des frais de relogement exposés par la collectivité12. Le refus, par les occupants, du relogement offert par l’expropriant autorise leur expulsion sans indemnité13.

1 Article L. 511-1 et suivants du CECUP.

2 Décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010 qui déclare la loi Vivien conforme à la Constitution.

3 Articles L. 512-1 à L. 512-6 du CECUP.

4 Article L. 512-1, 1° du CECUP.

5 Article L. 512-1, 2° du CECUP.

6 Article L. 512-1, 3° du CECUP.

7 Conformément aux articles L. 314‑2 à L. 314‑9 du code de l’urbanisme.

8 Article L. 512-2 du CECUP.

9 Article L. 512-3, al. 1 du CECUP.

10 Article L. 511-6 du CECUP, la méthode de « récupération foncière » correspond à la valeur du terrain nu déduction faite des frais entraînés par la démolition.

11 Article L. 512-5 du CECUP.

12 Article L. 512-6 du CECUP.

13 Article L. 512-3, al. 4 du CECUP.

Abréviations

CECUP : Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

JORF : Journal Officiel de la République Française.

* Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, dite « loi Vivien », tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre qui instaure une procédure d’expropriation spécifique et dérogatoire pour les immeubles dont l’état d’insalubrité est irrémédiable.

Responsabilité des gestionnaires publics : vers une reconnaissance de la protection fonctionnelle ?

Une ordonnance du tribunal administratif de Paris du 14 mars dernier1 questionne l’applicabilité de la protection fonctionnelle au régime de responsabilité des gestionnaires publics.

Alors que la doctrine2 semblait considérer qu’un gestionnaire ne pouvait pas bénéficier de la protection fonctionnelle dans ce cadre, le juge des référés estime que la mise en cause de l’agent devant la Cour des comptes au titre de l’infraction de l’article L. 131-14 du CJF3 ne peut pas être qualifiée d’une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions. Et que partant, « le moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application du principe général du droit à la protection fonctionnelle est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué ». Cette ordonnance nous permet de revenir sur le mécanisme de la protection fonctionnelle (I.) et son application dans le champ de la responsabilité financière (II.).

I. Une garantie pour les agents publics

La protection contre des poursuites pénales4

Aux termes des dispositions du CGFP –codifiant à droit constant les statuts de la fonction  publique–,  un agent public bénéficie de protections et de garanties dans l’exercice de ses fonctions. A ce titre, figure la protection fonctionnelle. Cette protection revêt plusieurs formes, dont celle relevant de l’article L. 134-4  du CGFP :

« Lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. (…) »

Les conditions de cette protection sont cumulatives : l’engagement de poursuites pénales et un comportement qui n’a pas le caractère d’une faute personnelle détachable du service (autrement dit, une faute de service).

En pratique, et s’agissant du contenu de cette obligation légale, il s’agira essentiellement pour l’administration de prendre en charge les frais d’avocats et les éventuels frais de justice. Cependant, l’amende pénale constitue une peine et par conséquent, reste à la charge de l’agent5.

Des poursuites uniquement pénales

La disposition précitée apparaît claire quant aux hypothèses d’application : l’octroi ne vaut que pour les seules poursuites pénales.

Quid de ce champ d’application limité et donc de la portée réelle de la protection fonctionnelle ? Sachant que cette protection a été érigée comme un principe général du droit par le Conseil d’État qui rappelle régulièrement sa valeur6.

Une question a pu se poser quant à son application devant des juridictions autres que pénales, notamment –et cela nous intéresse tout particulièrement– devant la Cour des comptes7. Si le Conseil d’État confirme l’octroi de la protection en l’espèce, ce n’est pas tant sur le fondement du principe général du droit, mais seulement en application de la jurisprudence Ternon de 20018.

Les conclusions de M. Yann Aguila, commissaire du gouvernement9 dans cette affaire de 2007 confirment, selon nous, la lecture stricte de cette condition : « s’il fallait répondre à ce second moyen, nous vous proposerions de confirmer la position du ministre sur l’inapplicabilité de la protection aux fonctionnaires poursuivis devant la Cour des comptes».

II. Quelle garantie pour les gestionnaires publics ?

Un régime de responsabilité autonome

Si le régime de la responsabilité financière présente un caractère répressif à l’instar de la responsabilité pénale, il n’en demeure pas moins qu’ils sont autonomes l’un de l’autre.

D’une part, cette autonomie est institutionnelle avec la mise en œuvre de poursuites par des ordres juridictionnels distincts et la possibilité de cumul des poursuites. D’autre part, s’agissant de la protection fonctionnelle, le CGFP10 distingue parfaitement la responsabilité pénale de la responsabilité financière.

Il ressort de l’interprétation du juge des référés dans l’ordonnance mentionnée en introduction que, ni les dispositions du CGFP, ni le législateur n’ont entendu exclure l’application de la protection fonctionnelle à de nouvelles procédures. Il considère en conséquence qu’il existe un doute quant à l’application de la protection fonctionnelle pour des cas de mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires publics. Cette ordonnance, qui n’a pas de valeur au fond, interroge sur l’interprétation du juge11, alors qu’il était affirmé par de nombreux observateurs que cette option n’était pas envisagée.

Protection fonctionnelle versus Protection juridique

Le régime de responsabilité financière se veut en rupture avec les régimes antérieurs applicables aux seuls ordonnateurs et comptables.

Si l’amende prononcée par la Cour des comptes à l’encontre d’un gestionnaire ne semble pas pouvoir être prise en charge par les assurances, qu’en est-il des offres de protection juridique proposées aux gestionnaires ?

Pour pallier tant les effets de la RGP que son régime, les gestionnaires peuvent souscrire des contrats de protection juridique pour la prise en charge, notamment, des frais d’avocats, des dépens ou frais irrépétibles. Le parallèle peut donc être fait avec le contenu de la protection fonctionnelle attribuée par une collectivité à un agent dans le cadre d’une procédure pénale.

L’ordonnance commentée pourrait avoir retenu une vision conséquentialiste sur ce point. Si le contenu des protections apparait proche, la protection fonctionnelle dispenserait aux gestionnaires de souscrire une assurance à leurs frais. Affaire à suivre au fond et/ou en cassation12.

Quelques précisions

1 : TA Paris, 14 mars 2024, n° 2403460.

2 : La responsabilité des gestionnaires publics : clap de départ – Etude par Jean-François Calmette et Florent Gaullier-Camus – JCP A, n° 1, 9 janvier 2023 – LexisNexis.

3 : A la lecture de l’ordonnance, la sanction de l’infraction en cause serait la condamnation à une astreinte, en raison de l’inexécution totale ou partielle ou de l’exécution tardive d’une décision de justice.

4 : Si la protection fonctionnelle concerne bien évidemment les poursuites civiles et pénales, la présente analyse est circonscrite aux poursuites pénales.

5 : Question de Jean-Louis Masson, n° 5618, JO du Sénat du 11 avril 2013.

6 : Conseil d’État, 1er févr. 2019, M. A c. Min. des armées, n° 421694 – Publié au recueil Lebon

7 : Conseil d’État du 22 janvier 2007, n° 285710, Mentionnée aux tables.

8 : Dorénavant codifiée à l’article L. 242-1 du CRPA.

9 : Dénommé rapporteur public depuis le décret du 7 janvier 2009.

10 : Articles L. 125-2 du CGFP. 

11 : Rappelons les mots de Bernard Stirn à l’occasion du Séminaire sur les principes généraux du droit national, européen et international de 2018 : « Les principes généraux du droit ont une valeur supérieure à celle de tous les actes administratifs », mais une valeur inférieure aux lois. C’est sur ce point que l’ordonnance interroge. 12 : D’une part, le référé-suspension est une procédure accessoire qui, à peine d’irrecevabilité, suppose un recours au fond.
D’autre part, l’ordonnance rendue en premier et dernier ressort ne peut faire l’objet que d’un recours en cassation.

Abréviations

CGFP : code général de la fonction publique

CJF : code des juridictions financières

CRPA : code des relations entre le public et l’administration

RGP : responsabilité des gestionnaires publics